II. Nina
Fines et élégantes. Les ravissantes petites jambes de Nina filent dans les escadinhas, se raidissant à chaque nouvelle marche gravie. Les plis de sa robe sont emportés par l’élan de sa course. À chaque nouveau pas, la légère tenue glisse gracieusement sur ses cuisses dorées, mettant mon attention à l’épreuve et détournant mon regard des façades dépareillées au pied desquelles s’écoulent les minces et lumineuses ruelles d’Alfama. Une mobylette pétaradante s’élance dans un boucan étourdissant. Les draps, serviettes et pièces de tissus de toutes formes pendus aux fers forgés des balcons dansent dans la bise moite et les humeurs marines. Ragaillardis par la vision de la coupole du Panthéon émergeant de la mosaïque de pavés, de parois et de tuiles qui se dresse devant nous, nous nous engageons dans une nouvelle série d’escaliers. Un virage se dessine sur notre parcours. Rapidement arrivée à sa hauteur, Nina stoppe brutalement sa marche. Le dos légèrement voûté, elle balance son visage dans un grand sourire, comme pour défier ce que je ne peux encore voir, retardé par mes contemplations. L’ombre découpe sa frêle silhouette et ses traits semblent embrasés d’une blanche et froide lumière. Ses fines lèvres serrées par l’effort, son délicat petit nez et ses yeux délicieux. D’un mouvement tranquille, sans un mot, elle détourne son regard ravi vers moi. Je ne me trouve qu’à quelques mètres d’elle mais la caresse de son regard rompt mon élan. Il est empli de tendresse et de la satisfaction de pouvoir apercevoir, quelques dizaines de mètres plus haut, le but de notre ascension. Mon sourire cède le premier, répondant à la douce invitation en s’affichant timidement au coin de mes joues. Puis vient le tour de mes yeux, rendus soudain chauds et humides par le gêne de la confrontation provoquée par l’impudeur de son expression. Je m’arrête, une jambe lancée en avant, une main sur la cuisse, une autre machinalement glissée sur la hanche. Je la regarde, glorieuse, habillée de soleil, telle une icône sculptée à même la muraille ocre d’Alfama. Des cris d’enfants. Le claquement d’une porte. Le miaulement d’un chat. Nina.